Abigail
"Maman", appelai-je dans le couloir. "Viens, maman. Ils ne vont pas tarder à arriver. Tu dois sortir d'ici."
"J'arrive", cria ma mère. "Ne me brusque pas."
Elle sortit de sa chambre et traversa le couloir. J'étais reconnaissante qu'elle ne semblait pas se balancer du tout, et comme elle s'approchai, la seule odeur qui se dégageait d'elle était celle d'un bain de bouche. Et elle semblait vraiment présentable. Pour la première fois depuis des semaines.
Mais je ne devrais pas être surprise. Elle se débrouillait toujours pour être présentable devant Stella. La Déesse nous en préserve que son précieux bébé découvre la vérité à son sujet
Non, il s'agissait d'un fardeau que moi-même, je devais porter. Et en vérité, je l'acceptais de bon gré. Je voulais protéger Stella de cette réalité autant que Ma voulait la lui cacher. Cependant, je devais admettre que nous avions des raisons différentes.
Je fis signe à Ma de s'asseoir dans le fauteuil du salon pendant que je retournais dans la cuisine pour vérifier le bon déroulement du dîner. Je préparais les plats préférés de Stella. Cela faisait deux mois que ma petite sœur avait quitté la maison, et nous étions toutes les deux excitées. Plus excitant encore, elle ramanait à la maison son âme sœur pour la première fois.
J'étais si heureuse pour elle. Ils se rencontrèrent apparemment, il y a presque deux ans, lorsqu'elle visita le campus de l'université locale avec son lycée. Je n'eus pas la moindre idée qu'ils se rencontrèrent avant sa première année d'études à l'université. Je lui demandai pourquoi ce secret, et elle me répondit qu'ils devaient attendre avant de rendre leur relation publique à cause de sa position dans la meute. Ils annoncèrent leur relation quelques mois après le début de sa première année. Pourtant, elle continua à repousser le moment où nous le rencontrerions, même s'ils n'étaient qu'à quelques heures de route. Ne vous méprenez pas, elle me parlait de lui en long et en large. Chaque fois que nous parlions, elle s'extasiait sur sa perfection. Mais ce ne fut qu'il y a un mois qu'elle nous avoua enfin qu'il était notre futur Alpha.
Maman et moi étions aux anges. On ne pouvait pas être plus heureuses. Surtout moi. Notre Alpha actuel, Alpha Amir, était un bon chef, un chef juste et un homme bon. Nous étions très chanceuses de pouvoir compter sur son soutien après la mort de notre père.
Non pas que nous le connaissions très bien, mais c'était lui qui m'a aidée à remettre la famille sur pied après une perte aussi terrible. Je savais qu'il avait un fils, mais je ne l'avais jamais rencontré auparavant. Encore une fois, ce n'était pas comme si nous étions proches de l'Alpha. Je doutais qu'il ait jamais vraiment pensé à nous. Il s'occupait simplement des membres de sa meute, et je lui en serai toujours reconnaissante.
Mais j'avais entendu dire que son fils, August, était promis à devenir un aussi bon Alpha que son père. Alors, je n'aurais vraiment pas pu être plus soulagée qu'il soit l'âme sœur de ma sœur. Elle serait bien entourée, on s'occuperait d'elle et elle serait heureuse.
Je sortis le poulet du four quand j'entendis Ma dans le salon.
"Ils sont là," dit-elle en chantant.
Je fis vite. Je sortis les jolis plats de service offerts à mes parents lors de leur cérémonie d'accouplement et je commençai à y déposer le dîner. J'étais encore en train de transvaser la nourriture lorsque j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir et les cris de ma mère et de ma sœur qui se prenaient dans les bras. Je terminai ma tâche et je déplaçai les plats sur la table de la salle à manger qui était déjà bien rangée. Je souris à ma présentation et je me précipitai avec enthousiasme dans le salon.
Je me bloquai sur le seuil. Une odeur se mit à envahir mes sens, mon estomac se noua et mon cœur s'emballa.
L'homme grand et large qui se trouvait à côté de ma sœur se tourna vers moi et nous nous regardâmes dans les yeux.
Âme sœur.
J'étais pratiquement suffoquée en essayant de contenir le mot qui s'échappait de ma bouche .
Mais qu'est-ce qui se passait ?
Il s'agissait de l’âme sœur de ma sœur.
pas la mienne.
Cet homme était destiné à être avec Stella.
Alors pourquoi avais-je cette réaction ?
Une encore meilleure question...
Pourquoi SEMBLAIT-T-IL avoir la même réaction ?
Ses yeux étaient écarquillés, ses pupilles dilatées, et ils soutenaient mon regard avec une poigne de vipère alors qu'il semblait lui aussi figé sur place.
Everly, ma louve, bondissait d'excitation dans ma tête, les reconnaissant, lui et son loup, tout comme moi-même. Il lui fallut une minute pour comprendre la situation, mais une fois qu'elle l'eut compris, elle se mit à gémir au fond de mon esprit.
Cela ne pouvait pas être en train de se passer.
Mais qu'est-ce qui se passait bon sang ?
Je me forçai à aborder la situation dans son ensemble. D'accord, cela se produisait. Maintenant, quelle serait la meilleure façon de gérer la situation ? Je n'allais pas briser le cœur de ma sœur. Absolument pas. Je ne le laisserai pas faire non plus. Pas maintenant. On allait se contenter de dîner, et je trouverais un moyen de lui parler en privé plus tard.
Je me raclai la gorge et j'affichai un sourire sur mon visage.
"Stella, je suis si contente que tu sois rentrée", dis-je en ouvrant mes bras pour qu'elle y saute comme elle le faisait depuis qu'elle était toute petite.
"Tu m'as manquée, sœurette", dit-elle.
"Tu m'as manquée aussi", répondis-je doucement.
Nous nous séparâmes et elle se tourna vers l'homme qui se trouvait derrière elle. "August, je te présente ma sœur, Abigail. Abigail, voici mon âme sœur, August."
Les mains d'August étaient crispées en poings, et il m'adressa un sourire crispé. Au moins, je parvenais mieux à faire semblant qu'lui. Bon sang.
Je lui fis un signe de tête avec un large sourire. Je savais qu'il ne parvenait pas jusqu'à mes yeux, mais au moins Ma et Stella ne le remarqueraient pas.
"C'est un plaisir de te rencontrer, August", lui dis-je. "Le dîner est prêt dans la salle à manger. Allez donc vous asseoir et je serai là tout de suite. Je dois d'abord m'occuper du dessert."
"Ne tarde pas trop", dit Stella avec enthousiasme. "Nous avons une grande nouvelle à vous annoncer et je ne pense pas que je puisse attendre plus longtemps."
"Je te le promets, j'arrive tout de suite", lui assurai-je en lui frottant l'épaule.
Stella prit Ma par le bras et l'emmena dans la salle à manger. August suivit quelques pas derrière elle. Il dut passer devant moi pour se faufiler. Au moment où il approcha, je tournai mon corps pour m'assurer que nous ne nous touchions pas. Il resta un instant en face de moi. Je levai la tête pour croiser son regard.
Il y avait de la colère, de la confusion, du désir et peut-être même de la souffrance dans ses yeux, dont je ne puvais m'empêcher de remarquer qu'ils avaient la couleur du miel. Il se questionnait. Je secouai subtilement la tête. J'espérais et je suppliais silencieusement qu'il sache que nous ne pouvions pas faire ça ici.
Le rire de Stella en provenance de l'autre pièce me fit sursauter et je me retirai rapidement dans la cuisine. Je pris le gâteau au fromage fait maison dans le réfrigérateur et je le posai sur le comptoir pour plus tard. J'écoutai les autres discuter dans la pièce voisine et je me glissai discrètement par la porte de derrière.
Je restai sous le porche et je pris plusieurs respirations profondes. Je sentis une boule commencer à se former dans ma gorge et je la repoussai rapidement. Ce n'était pas le moment de pleurer. Alors je fis ce que je faisais d'habitude au lieu de pleurer.
Je lâchai une série de jurons.
"Qu'est-ce qui se passe, putain ? Pourquoi est-ce que ça arrive ? Ça ne PEUT PAS arriver", murmurai-je avec la force d'un hurlement.
"Notre âme sœur", insistait Everly.
"Non, il ne l'est pas", lui répondis-je. "C'est celle de Stella. Il doit y avoir une erreur. Il suffit de passer le dîner comme si de rien n'était, et on verra ça plus tard. Du calme."
Je ne me croyais même pas, Everly non plus, mais je n'avait pas le tempsde m'occuper de cela. Je pris donc deux autres grandes respirations et je retournai dans la maison. Presque arrivée dans la salle à manger, j'entendis la dernière partie de ce que Stella racontait et, une fois de plus, je restai figée sur le seuil de la porte.
"... notre cérémonie d'accouplement aura lieu dans trois mois." Stella leva les yeux vers moi. "Oh, Abigail, je suis désolée. Je n'ai pas pu me contenir plus longtemps. N'es-tu pas heureuse pour nous ?"
Je lui redonnai le même faux sourire. "Bien sûr que je suis heureuse pour vous", répondis-je. "Tu mérites ce qu'il y a de mieux."
Je pris place à la table, ignorant le fait que je me retrouvais assise juste en face d'August. Ses yeux me dévoraient et j'avais l'impression que mon visage était en feu. Je commençai à distribuer la nourriture et à faire passer les assiettes. Je ne parlai pas beaucoup pendant le dîner. Je me contentai d'écouter Stella et Ma parler de toutes les idées qu'elles avaient pour la cérémonie d'accouplement. August ne dit pas grand-chose non plus, mais il commença lentement à mieux cacher son malaise face à la situation.
Il me fallait impérativement ignorer les attouchements qu'ils partageaient, repousser la jalousie qui ne cessait de déferler en moi. Dès que je vis une opportunité, je commençai à débarrasser les assiettes. Alors que j'apportais le dessert, mon téléphone sonna dans ma poche, et je n'eus jamais été aussi reconnaissante.
Je le sortis et je consultai l'écran.
"Je suis vraiment désolée. Je vous prie de m'excuser. C'est important. Je dois le prendre."
Ma me fit signe de la main et Stella ne semblait même pas le remarquer. August me jeta un regard noir, mais pour être honnête, je m'en moquais un peu.
Je répondis au téléphone en quittant la salle à manger et en ressortant par la porte de derrière.
"Hé, Colin. Qu'est-ce qu'il y a ?" dis-je en me dirigeant vers le fond de la cour.
"Comment se déroule le dîner ?" me demanda Colin, mon meilleur ami et collègue.
"C'est plein de sensations, c'est sûr", répondis-je, espérant qu'il ne se rende pas compte de l'excitation que je ressentais.
Il se mit à glousser à l'autre bout du fil. "J'ai hâte d'en entendre parler", déclara-t-il avec une pointe de sarcasme. "Je n'aime pas t'interrompre, mais Maya voulait que je vérifie si tu avais terminé les chapitres."
"Oh, euh, oui, je les ai terminés ce matin. Je comptais les réviser encore une fois, mais je peux les envoyer ce soir." Je doutais d'avoir la capacité mentale de m'occuper de l'édition aujourd'hui.
"C'est excellent. Je lui dirai de les surveiller", dit Colin.
"Hmm."
"Hé, tu vas bien,Abigail ?" me demanda Colin.
Je me raidis lorsqu'une odeur alléchante me parvint au nez. Je savais qui se tenait derrière moi. "Oui, il faut que j'y aille. On se parle demain."