"Je t'en supplie, maman, ne m'abandonne pas".
Ma mère ferma les yeux alors que les souvenirs de cette matinée me reviennent en masse. Nous nous sommes disputées pour une raison stupide et après toutes les choses étranges qui se sont produites au lycée ce jour-là, les sentiments à l'intérieur de moi et ma rencontre avec cet homme qui m'a sauvé à la dernière minute, je suis rentrée à la maison pour trouver un spectacle bouleversant.
Ma mère était dans une forme que je ne reconnaissais pas et dans un état critique.
Quand j'y pense aujourd'hui, je me dis que j'avais été un peu trop zélée et retenue face à ce que je considère comme un spectacle macabre. Ma mère gisant dans son sang et mourante m'avait cependant parlé de son passé, de mon père dont j'ignorais tout mais surtout de cette nature qui sommeillait en moi.
Moi qui avais toujours vécu de manière insouciante, comme une humaine, j'ai découvert que je n'en étais pas une, et ce fut de la pire des manières.
Après cette perte tragique, j'ai dû quitter la ville qui m'a vu grandir et m'épanouir, mon petit ami, ma meilleure amie et tout ce qui faisait mon monde.
Je n'avais qu'un seul but en tête, me venger de la personne responsable de mes malheurs.
Ma mère m'a parlé de lui, c'est lui qui est à l'origine de l'attentat qui lui a coûté la vie, mais ce n'est pas tout. C'était toujours de sa faute si mon père avait été tué des années plus tôt. Je dois arriver là où il est, mais avant de me venger, je dois retrouver mon grand-père et sa meute pour faire le rite de passage à l'âge adulte. Sinon, je mourrai, les derniers mots de ma mère.
"Je te rejette".
Je n'arrive pas à y croire, mon grand-père, ma seule famille restante vient de me rejeter à cause de la rancune qu'il a contre ma mère.
"Tu ne peux pas me faire ça, je suis ta petite-fille, tu es ma seule famille".
"A cause de ta mère, nous sommes des reclus de la vie, je ne te tuerai pas car tu as mon sang et sembles ne pas comprendre le péché de ta mère, mais sache que la prochaine fois que je te verrai, je te tuerai".
J'ai quitté mon grand-père rancunier et sa meute, sans savoir quel avenir j'aurai. Mais la vie réserve des surprises et j'ai rencontré une âme bienveillante. Le temps a passé et j'ai rencontré de nouvelles personnes.
"Toi Sophia Carpenter, tu es ma compagne, je ne te permets pas d'approcher un autre homme".
Il m'a regardé avec ses yeux froids et cruels alors que je n'arrivais pas à y croire. Donc mon Alpha c'est lui depuis le début ? Pourquoi tout cela m'arrive-t-il ? Comment dois-je le prendre ? Et dire qu'il y a quelques mois, ma vie était parfaite, entourée par ma mère et mes amis, j'avais des rêves et des ambitions et maintenant je vis dans un tumulte indicible.
Quelques mois plus tôt.
Je m'appelle Sophia Carpenter et j'ai 17 ans, j'aurai bientôt 18 ans.
Je vis avec ma mère, une mère célibataire et je n'ai jamais connu mon père. Tout ce que je sais de lui est résumé sur la table de chevet de ma mère, une photo. Et apparemment, je n'étais même pas encore née puisqu'ils n'étaient que deux sur la photo et ils ont l'air très jeunes.
C'est juste cette seule photo de lui et je n'ai jamais osé demander plus d'informations sur lui autres que ce qu'elle m'a dit. Il est mort quand je suis née, c'est tout. Je ne veux pas me plaindre car je n'ai aucune raison d'interroger ma mère sur ses choix de vie, même si parfois, je me demande pourquoi je n'ai jamais vu un seul membre de sa famille.
Pas même un frère ou un ami. Elle vit dans un isolement absolu et n'a pas d'amis même au sein de notre communauté. Elle reste souvent devant la fenêtre, scrutant derrière les rideaux comme si elle craignait d'être épiée ; pour être honnête, j'ai toujours pensé qu'elle agissait juste par anthropophagie.
Alors on a toujours vécu comme ça, elle isolée de tout le monde, ne vivant que pour moi et mes caprices.
C'était presque la fin de ma dernière année et j'attendais une réponse d'une université à laquelle j'avais postulé.
J'étais très inquiète d'autant plus que la réponse tardait à arriver.
Ce matin-là, je me suis réveillé comme d'habitude au son de la voix de ma mère et j'ai sorti mon corps lourd du lit. Prenant mon téléphone, j'ai vérifié mes e-mails, et rien, aucune note d'admission à l'université.
"Suis-je idiote, ils ont dit qu'ils enverraient cette note dans la boîte aux lettres si je suis admise"
En cas d'admission, c'était le mot-clé.
J'ai soupiré avant d'aller me préparer pour le lycée, ce n'est pas encore la fin de l'école donc je dois y aller. J'ai trouvé ma mère en train de ranger la table. Son doux sourire m'a vite fait oublier mes soucis alors que je prenais place à table sous les bonnes grâces de son service. Elle avait posé mon assiette de gaufres devant moi et toujours avec un tendre sourire, elle m'a souhaité bon appétit.
"Chérie, tu as l'air de ne pas avoir bien dormi"
Je soupirai profondément avant de plonger ma fourchette dans mon plat et de manger une bouchée. C'était tellement frustrant cette longue attente, mais je n'ai pas à désespérer jusqu'à ce que je reçoive la note de rejet, je n'ai pas à m'apitoyer sur moi-même.
Je veux aller dans cette école mais si ce n'est pas possible... J'ai secoué la tête ne m'imaginant pas du tout y aller. Je ferais mieux de ne plus m'inquiéter comme ça.
« Hummm hummm »
Elle sourit avant de secouer la tête.
« Ne parle pas la bouche pleine... A voir ton visage, tu as dû t'inquiéter sur ton admission... Mais j'ai peur d'avoir de mauvaises nouvelles."
Je n'ai pas pu empêcher mon visage de tomber de dépit. Je n'ai donc pas été prise.
"C'est dommage... Quelle malchance..."
Ma mère me regarda avant de secouer la tête.
"Non ma chérie ce n'est pas ça..."
Elle a l'air nerveuse et même coupable alors qu'elle s'assied à côté de moi et me tient la main.
"Je voulais te le dire depuis longtemps mais j'ai toujours eu peur de ta réaction..."
J'ai haussé un sourcil, qu'est-ce qu'elle va me dire qu'elle n'est pas ma mère ou des conneries comme ça ?
"Ma chérie, tu ne pourras pas aller à l'université. J'ai reçu la note de l'université pour laquelle tu as postulé, la réponse est favorable mais j'ai peur que tu ne puisses pas y aller."
J'ai froncé les sourcils, de quoi ma mère parle-t-elle encore ?
" Si c'est pour l'argent rassures-toi j'ai d'énormes économies, je peux payer mes études moi-même et..."
"Ce n'est pas à cause de l'argent... Sophia, tu ne peux pas juste y aller, pas parce que je n'en ai pas les moyens, mais la raison est..."
Je me suis levée agacée ne voulant plus écouter un seul mot avant de quitter la table.
« Sophia, attends, où vas-tu ? »
« À l'école, tu ne peux pas le voir ? Écoute, maman, je ne veux rien entendre d'autre, j'ai décidé d'aller à l'université et peu importe ce que tu dis, je m'y tiendrai.
" Non attends Sophia je dois te parler attends tu ne peux pas aller au lycée... Sophia..."
Je claquai la porte et me dirigeai vers l'école sans me retourner.
Je n'aurais jamais pensé que je regretterais ce geste toute ma vie.