Perspective d'Abby
J'avais tout juste quinze ans lorsque mon monde a changé pour toujours. Tout s'est passé en un clin d'œil, un moment que je ne pourrais jamais reprendre, même si je le souhaite tellement.
Tout a commencé de manière si clichée... cela serait presque drôle si cela ne s'était pas terminé si tragiquement, c'était une nuit sombre et orageuse. Je venais d'appeler mon père pour venir me chercher chez mon amie Daphné. Nous étions amies depuis l'école primaire et je rentrais souvent chez elle après l’école. Elle m'aidait avec un projet d'école pour la foire d'art de cette année et posait pour moi. J'aimais peindre et dessiner depuis que je me souviens... Mon père m'a offert mon premier chevalet quand j'avais dix ans et je n'ai jamais arrêté depuis.
Daphné était allongée sur son lit à regarder son téléphone pendant que nous écoutions de la musique sur son ordinateur portable. Je commençais à ranger mes affaires et regardais par la fenêtre juste au moment où un éclair a illuminé le ciel nocturne, éclairant les arbres qui nous entouraient. Washington était connue pour ses tempêtes de pluie en automne, mais aujourd'hui semblait beaucoup plus intense que d'habitude.
J'ai enfilé mon sweat à capuche avant de vérifier mon téléphone, une sensation de malaise montant dans mon ventre alors que je mordais nerveusement ma lèvre.
"Oh mon Dieu, as-tu vu ce qu'André portait aujourd'hui... le bleu est vraiment sa couleur, il était si sexy." Daphné s'est exclamée, faisant rouler mes yeux en laissant échapper un ricanement.
"Je croyais que tu disais que le rouge était sa couleur la semaine dernière." Je lui ai rappelé, ce qui l'a fait poser son téléphone et me regarder avec une expression ennuyée.
"Parfois j'ai vraiment l'impression que tu n'es même pas une adolescente. Comment peux-tu ne pas être affectée par André... comment peux-tu même lui parler sans renifler une seule fois son sweat à capuche?" Elle a gémi, me faisant rire alors que je glissais mon sac à dos sur mon épaule et prenais ma mallette d'artisanat.
"Parce que c'est effrayant, et en plus, il n'a aucun intérêt à sortir avec une sophmore, il est totalement amoureux d'Erica." J'ai expliqué, faisant bouder Daphné. Erica était la chef des pom-pom girls et une senior, tout comme André.
André et moi avons des cours d'art ensemble et nous sommes tous deux assez passionnés par cela, nous sommes donc devenus un peu amis, mais Daphné a un béguin pour lui depuis la première année. Elle me fait toujours le mentionner au moins une fois dans chaque conversation quand je lui parle... elle joue sa carte de meilleure amie, donc je suis un peu obligée.
Avant que Daphné puisse répondre, mon téléphone a commencé à vibrer. Je l'ai décroché et l'ai rapidement mis à mon oreille.
"Salut papa, tu es là?" J'ai demandé joyeusement, voyant que c'était mon père qui appelait.
"Ouais Abbine, dépêche-toi avant que je sois emporté par la pluie." Mon père a plaisanté, il m'a toujours appelée Abbine depuis que je suis bébé, c'était notre petite chose spéciale.
"J'arrive tout de suite." J'ai répondu avant de raccrocher et de regarder Daphné avec un sourire.
"À demain à l'école, ne reste pas éveillée trop tard à stalker le compte Instagram d'André!!" J'ai taquiné, esquivant un oreiller que Daphné a essayé de lancer à ma tête alors que je ne pouvais m’empêcher de rire tout en descendant les escaliers.
"Oh, tu ne restes pas pour le dîner, Abby ?" demande Mme Bailly alors que je bondis dans les escaliers.
Domitille Bailly, la maman de Daphné, était comme une seconde maman pour moi. Parfois, elle plaisantait même en disant que j'étais sa vraie fille et que Daphné devait avoir été échangée à la naissance. Considérant que je suis plus comme Domitille et que ma mère est plus comme Daphné en termes de personnalité. Physiquement, je suis le portrait craché de ma mère..à l'exception des cheveux blonds-fraises et des yeux bleus de mon père que j'ai hérités. Pour le visage et le corps, je suis le sosie de ma mère..merci Maman pour les courbes..c'est génial d'avoir quinze ans et déjà un bonnet c..oui, disons que j'ai bien poussé cet été.
"Non, je dois rentrer, papa a fait des lasagnes." Je souris et dis au revoir en ouvrant la porte et en courant dehors vers le pick-up bleu de mon père. Il pleuvait à verse et je ne pouvais m'empêcher de crier en courant à toute vitesse, me cognant contre le pick-up avant de l'ouvrir et de laisser échapper un fou rire.
"Tu as l'air d'un chien mouillé." Mon père rit tout en me rufflant les cheveux, puis il fronce les sourcils lorsque je secoue vigoureusement mes cheveux blonds-fraises, le mouillant tout entier.
"D'accord, d'accord, j'aurais dû te mettre à l'arrière avec Griffen." marmonne mon père tout en passant la voiture en marche. Griffen est notre golden retriever de trois ans et mon père a l'habitude de l'emmener partout avec nous. Je suppose que Griffen ne voulait pas sortir aujourd'hui. Oui, il déteste la pluie..il est si précieux maintenant que j'y pense.
"Boucle ta ceinture, gamine." Mon père me rappelle alors que je saisis la ceinture et la glisse rapidement.
Je regarde par la fenêtre alors que la pluie commence à tomber encore plus fort, c'est la pire tempête que nous ayons eue jusqu'à présent et je ne peux m'empêcher de me sentir mal à l'aise alors que mon père atteint et allume la radio.
"Ne t'inquiète pas, nous serons bientôt à la maison." Il me rassure..une chose à propos de Papa, c'est qu'il peut sentir comment je me sens juste avec un regard et il peut aussi me calmer avec une seule caresse.
Il tend la main et serre la mienne. Il commence à hocher la tête au rythme de la musique pendant que nous descendons la route sinueuse vers notre maison. Nous vivons plutôt vers les bois dans une maison de type cabane. Mon père aime la nature et tout ce qui concerne la faune, nous partons même en camping chaque été pendant une semaine. C'est notre voyage familial annuel et mon père le planifie un an à l'avance, c'est combien il l'aime.
Soudain, la voiture sursaute légèrement, me faisant sursauter alors que je regarde devant..je ne peux même plus voir la route, elle est recouverte d'eau et je commence à paniquer.
"On va juste prendre cela lentement, le pick-up peut le gérer." ajoute calmement mon père, en retirant sa main de la mienne alors qu'il la pose sur le volant.
Tout ce que je peux faire est de hocher la tête..quelque chose ne va pas..je le sens bien au fond de moi, comme une sensation qui remue au fond de moi, essayant de me prévenir..et j'aurais aimé l'avoir écoutée.
J'aurais souhaité faire confiance à ce sentiment parce que la prochaine chose que je sais, un chien blanc se précipite sur la route, forçant mon père à tourner le volant. Tout s'est passé en un éclair..la voiture a quitté la route. Je hurle en regardant mon père, voyant son visage inquiet alors qu'il crie mon nom. Puis tout devient bruyant, un bruit de crash assourdissant retentit et du verre brisé vole vers nous..tellement de verre. Je ressens une douleur aiguë qui traverse mes bras et mon estomac. Ma tête palpite alors que le monde se renverse et puis l'obscurité...
La prochaine fois que je me réveille, je suis allongée à côté d'un arbre, mon corps faible alors que l'odeur de l'essence et des cendres emplit mes narines. J'essaie de me lever mais mes bras et mes jambes sont paralysés, je ne peux pas bouger.
"Papa.." je croasse, en bougeant la tête de droite à gauche, en essayant de tout faire pour aller vers lui.
Je devais m'assurer qu'il allait bien... Je devais le trouver.
"Elle est par ici ! Je l'ai trouvée !" Une voix masculine résonnait dans ma tête, me faisant gémir alors que je me forçais à faire quelque chose, n'importe quoi... qu'est-ce qui n'allait pas chez moi !?
"C'est bon, oh mon dieu... Abby... tout ira bien." L'ami de mon père, Brice, est apparu dans mon champ de vision, ses mains me touchant doucement, ses yeux s'écarquillaient et les larmes les remplissaient.
"P... papa... où... où est-il ?" J'ai marmonné, les mots à peine audibles alors que la tristesse remplissait l'expression de Brice.
"C'est... c'est bon... l'ambulance arrive maintenant... tout ira bien, je te le promets Abby." Il a murmuré, ses mensonges me donnant de l'espoir... mais non, il n'y avait plus d'espoir... rien n'irait jamais bien à nouveau. Parce qu'il était parti... mon père est mort ce jour-là et j'ai survécu d'une manière ou d'une autre. Comment ? personne ne le sait... mais je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qui se serait passé si je n'étais pas allée chez Daphné ce jour-là... ou si j'étais restée chez elle pour la nuit... si nous avions attendu la fin de la tempête, tout aurait pu être différent... tout serait tellement différent de ce que c'est maintenant. Ma vie ne serait jamais la même, et je dois vivre avec les cicatrices pour le prouver... pas seulement sur mes bras et mon ventre, mais aussi dans mon cœur... une cicatrice qui ne guérira jamais. Une cicatrice si profonde qu'elle m'a changée... après ce jour, je ne serais plus jamais la même.
