NATHALIE
"Rassemblons-nous ou nous serons en retard."
"Mais l'événement ne commence même pas dans une heure." La deuxième voix était essoufflée, haletante.
Je me précipitai sur mes pieds et m'élançai vers la fenêtre juste au moment où la première voix disait, "Je suis impatiente de voir les décorations du palais"
"Qui se soucie des décorations? Je m'impatiente de voir la robe de la princesse Brigitte pour l'occasion. J'ai entendu dire que de vrais diamants étaient cousus dans la sienne"
Ceci a été suivi par un cri alors que la fille qui avait parlé en premier me montrait du doigt.
"C'est juste elle," cracha-t-elle.
La fille et son amie me regardèrent avec des expressions identiques de dégoût. J'imaginais à quel point je devais avoir l'air grotesque avec mon visage collé au verre de la seule petite fenêtre de ma chambre. La plus grande des filles prit la main de l'autre et elles s'éloignèrent rapidement, comme si elles craignaient que si je les regardais trop longtemps, je gâterais d'une manière ou d'une autre leurs beaux vêtements. Je reculai et attendis jusqu'à ce que je ne puisse plus entendre leurs pas. J'attendis encore quelques minutes pour être sûr que personne d'autre ne venait avant de sortir.
C'était une nuit éclairée par la lune et l'on pouvait presque sentir l'excitation et l'anticipation dans l'air. Au loin, des milliers de jolies lumières, drapées autour du terrain, des colonnes et des piliers du palais clignotaient comme des fées. Une bourrasque de vent de l'est apportait une bouffée de la délicieuse nourriture en préparation pour l'événement. Je posai ma main sur mon ventre quand je sentis la faim me piquer. Peut-être aurais-je l'occasion de ramasser quelques restes de nourriture après que tout le monde ait fini de manger.
"Tire-toi de là, toi !" quelqu'un grogna derrière moi.
Je me suis rapidement écartée alors qu'un homme corpulent et rougeaud portant plusieurs plateaux lourds me dépassait. Il se retourna une fois pour me lancer un regard noir et murmura quelques gros mots. Encore une fois, mes yeux furent attirés par le palais où un banquet aurait lieu dans environ une heure, en l'honneur de ma sœur, la princesse Brigitte, pour sa première transformation.
La fille avait dit que la robe de Brigitte était ornée de vrais diamants. Je soupirai en passant mes mains sur mes propres vêtements élimés qui avaient subi trop de lavages. Il était parfois difficile de croire que Brigitte et moi étions sœurs, jumelles en réalité. La grande différence entre nous était risible, si j'avais été capable de rire de ma propre situation, bien sûr.
Brigitte vivait dans le palais somptueusement meublé. Je vivais dans une petite maison délabrée sur le terrain du palais, avec une toute petite fenêtre, un toit qui fuit et des murs dont je couvrais régulièrement les grandes fissures avec des morceaux rigides de carton.
Brigitte était choyée et recevait tout ce qu'elle désirait. Je faisais ma propre lessive, je prenais mes repas à la cuisine avec les employés du palais. J'avais presque toujours de la nourriture après que tout le monde ait mangé. Cela signifiait que je recevais généralement des restes, des portions brûlées, indésirables, ou la plupart du temps, pas de nourriture du tout.
Et tout ce traitement injuste et préjudiciable découlait d'une ancienne prophétie du royaume de Moongrave. Cette prophétie avait changé ma vie pour le pire, et je l'avais gravée dans mon cerveau. Je fermai les yeux. Même maintenant, je pouvais voir chaque mot de cette prophétie écrit dans un vieux livre aux pages jaunies que j'avais lu de manière obsessionnelle encore et encore, comme si le fait de le faire pouvait changer ce qui était écrit dedans.
"Que le prince et le paysan, les nobles et les roturiers du royaume de Moongrave soient sur leurs gardes. Qu'ils prêtent attention aux signes et aux présages car c'est écrit ; deux enfants, deux jumeaux, naîtront. L'un sera rempli de lumière, de rire et d'amour, un leader qui unira et unifiera. Son sombre jumeau cherchera à détruire, tuer et ruiner. Ses pouvoirs et influence grandiront jusqu'à ce que Moongrave soit enterré dans la poussière et les cendres..."
Ainsi, après que ma mère a donné naissance à Brigitte et moi, elle avait eu l'idée de cacher l'une de nous jusqu'à ce que nos destinées soient plus claires. Elle pensait que les gens de Moongrave auraient pu comploter pour tuer l'une de nous à cause de la prophétie. Personnellement, je pensais qu'elle avait raison. La peur poussait les gens à faire des choses terribles. Moi, Nathalie Montgomery, j'étais la jumelle qui avait été cachée. Seules quelques personnes connaissaient mon identité. J'étais heureuse et bien soignée. Les choses ont radicalement changé après que ma mère, la reine, soit décédée dans des circonstances mystérieuses. Mon père s'est retourné contre moi. Brigitte aussi. Mon père s'était d'une manière ou d'une autre convaincu que j'étais le jumeau maléfique mentionné dans la prophétie. J'étais aliénée, forcée de vivre la vie d'une servante dans les jardins du palais. J'étais misérable et seule jusqu'à...
Un sourire s'est dessiné sur mes lèvres lorsque j'ai repensé au jour de mes 16 ans. Le jour où j'ai possédé mon loup, Saori. Elle n'était pas le genre de loup que les autres dans la meute avaient. Elle était unique, puissante, un loup qui avait hérité de la sagesse et des souvenirs de la génération des loups de la famille Montgomery. La première fois que j'ai totalement métamorphosée en forme de loup, j'étais tellement excitée, mais même maintenant, l'avertissement de Saori résonnait dans mes oreilles.
"Ne dis à personne que tu possèdes ton loup maintenant," avait-elle dit. "Gardes cela secret pour qu'ils ne rendent pas les choses plus difficiles pour toi."
C'était un conseil que j'avais immédiatement suivi.
Maintenant, mon loup se remuait alors qu'elle détectait un parfum que je n'avais jamais perçu auparavant. Ce n'était pas un parfum de nourriture ni de quoi que ce soit que je pouvais identifier. J'ai essayé de rester immobile, mais l'attraction vers ce qui dégageait ce parfum était si forte que mes jambes ont commencé à me porter vers l'avant ; passant devant ma maison, descend le chemin vers les jardins du palais où une centaine de fleurs différentes étaient en fleurs. Les seuls occupants du jardin étaient deux figures semblant fondre l'une dans l'autre.
Je me suis rendu compte de trois choses simultanément ; Les figures étaient en train de s'embrasser. L'une d'elles était ma sœur. L'homme qu'elle embrassait était mon âme sœur. Avant de pouvoir m'arrêter, j'ai émis un son à mi-chemin entre un gémissement et un grognement. Le couple s'est immédiatement séparé. Je n'ai d'yeux que pour le grand homme aux cheveux blonds qui me regardait fixement, avec la stupeur gravée sur ses traits. Ses narines étaient dilatées et je savais qu'il sentait lui aussi, ce parfum qui lui indiquait ce que nous étions l'un pour l'autre.
"Âme sœur," a ronronné Saori.
Mon cœur battait si vite d'excitation, puis a commencé à battre de peur lorsqu'il m'a examiné de haut en bas.
"Toi ?" a-t-il dit d'une voix profonde qui correspondait à sa carrure. "Comment diable es-tu aussi mon âme sœur?"
