PDV de Daphnée
Atteinte d’une maladie génétique rare, moi, Daphnée, bientôt 17 ans, habite dans une petite maison dans une petite ville en Bretagne avec sa famille. Ma mère était femme de ménage et avait la même maladie que moi, mon père était maçon et alcoolique. J’ai un petit frère de 14 ans qui fait les 400 coups pour compléter ce tableau familial.
« Bonsoir Maman », dis-je avec enthousiasme en entrant dans la maison et en allant directement à la cuisine. « J’avais hâte d’être en week-end ! Tu as besoin d’aide pour le repas ? »
« Bonsoir ma chérie, non ça ira » dit sa mère en relevant légèrement la tête dans ma direction avant de retourner à ses occupations. « Mais dis-moi plutôt comment s’est passée ta semaine ? »
« Ça a été comme d’habitude, j’ai eu un 17 en Mathématiques aujourd’hui et un 15 en Français mardi. »
Je mentais ouvertement à ma mère en disant que tout allait bien là-bas parce que j’avais en réalité hâte de quitter cet endroit. Je repensais régulièrement à mes anciens copains de classe que j’avais laissé derrière moi 8 ans plus tôt. C’est comme s’il manquait une partie de mon cœur !!!
En plus, je n’arrivais plus à supporter d’être dans ce centre de rééducation, j’avais hâte de voir autre chose.
« Je n’en doute pas une seconde » me dit-elle avec tellement de fierté dans sa voix. « Tu as toujours été sérieuse dans tes études et je suis sûre que tu auras ton brevet facilement. »
« Au fait, Maman, mon éducatrice doit t’appeler pour la suite après la 3ème. »
« Elle m’a appelé cet après-midi et on a rendez-vous bientôt avec elle. Elle m’a parlé de 2 options, Un centre sur Rennes ou un lycée adapté sur Nantes. C’est ça ? »
« Oui, ce serait pour des BEP Compta dans les 2 cas. A Rennes, ce sera comme ici. A Nantes c'est un lycée professionnel avec des classes à effectifs réduits et l'internat serait dans un autre lycée. »
« C'est bien ce que j'avais cru comprendre mais on aura plus de détails lors du rendez-vous avec elle… Et alors, où va ta préférence ? »
Je n’ai pas envie de lui répondre pour le moment mais j’ai déjà choisi à partir du moment où on m’en a parlé.
« Je ne sais pas encore Maman… Demain, j’aimerai aller faire un tour en ville s’il n’y a rien de prévu ? »
« Non, tu peux y aller. Tu veux que je t'accompagne peut-être ? »
« Une autre fois peut-être... Je voulais juste y aller seule cette fois et en profiter pour aller passer le bonjour à José à la sandwicherie après. Ça fait longtemps que je ne suis pas passée le voir. »
« D’accord comme tu veux… Passes-lui le bonjour de ma part »
« Bien sûr je lui dirais… Sinon on mange quoi ce soir ? Ça sent bon comme d’habitude ! » lui dis-je.
« Des Lasagnes que je viens de mettre au four. »
« Je me disais bien que ça sentait la sauce tomate. Puisque tu n’as pas besoin de moi, je monte faire mes devoirs dans ma chambre. »
« D’accord, à tout à l’heure ma puce ! »
* * *
Le lendemain, vers 16h30
Après 1h au centre commercial à faire du lèche-vitrine et avoir acheté une nouvelle robe pour le printemps, j’étais en route pour la sandwicherie.
Je n’avais pas vu José depuis les vacances de Noël et j’étais contente d’aller le retrouver pour discuter. José était un vieil ami de Maman et était le propriétaire de la sandwicherie depuis quelques années maintenant. Il avait un cinquante d’année, était petit, un tantinet charmeur avec toutes les femmes mais cela restait gentillet et gentleman. A chaque fois que je n’allais pas bien, il avait à me remonter le moral.
En tournant au coin de la rue, il était juste devant moi du haut de son 1m75 à discuter avec José encore plus beau que dans mes souvenirs. En le voyant, je suis restée bouche bée et j’ai eu un énorme flash-back…
* * *
11 ans plus tôt
Dans la cour de récréation de l’école primaire, le jour de la rentrée en CP, je me rapproche d’un groupe d’enfants que je connais depuis la maternelle et qui connaissait mes difficultés de santé. Un élève que je ne connaissais pas était avec eux. Il était brun avec de magnifiques et magnétiques yeux noisette. Je le trouvais plutôt mignon.
« Salut Daphnée, tu as passé de bonnes vacances ? » me demande Jules en me voyant approchée du groupe.
« Salut à tous, oui ça va et vous ? »
« Salut, oui, on va tous bien » me répond Yann.
« Bonjour, je m’appelle Ioan. Je suis nouveau. »
La sonnerie qui a retenti a mis fin à la conversation. Jules a proposé de porter mon sac jusqu’à la classe et je l'ai remercié timidement. Ioan était intrigué par le geste de Jules mais n'a rien dit. Tout au long de l'année, les garçons se sont relayés à tour de rôle pour m’aider à porter mes affaires comme il le faisait déjà en maternelle, y compris Ioan qui avait rejoint notre petit groupe. Il ne m'a jamais posé de questions à ce sujet. Je rencontrais également des difficultés à marcher, ma maman venait avec une poussette pour les trajets maison-école. En classe, j’écrivais plus lentement et la maîtresse me laissait plus de temps que les autres élèves pour finir mes exercices. C'était gentille de sa part.
* * *
PDV de l’auteur
Trois ans plus tard, Noa, le petit frère de Daphnée, allait entrer au CP et leur maman, Perrine, pouvant travailler plus qu’avant, ne viendrait plus les chercher pour le déjeuner. Pendant les grandes vacances, avant la rentrée scolaire en CM1, la maman de Daphnée a invité Debby, une amie de Daphnée, et sa maman, qui est l’amie de Perrine depuis presque 6 ans, à la maison pour prendre le goûter.
« Bonjour Carole, ça va ? » dit Perrine avant de se tourner vers Debby. « Bonjour Debby, Daphnée est dans le jardin, va la rejoindre si tu veux. »
« Bonjour Perrine, ça va et toi ? »
« Bonjour, oui j’y vais. » répond Debby avant de prendre la direction du jardin à l’arrière de la maison.
« Ça va merci. Est-ce que tu veux du café ou du thé ? »
« Un café, s’il te plaît. »
« Va t’installer sur la terrasse, j’arrive dans 1 minute avec des cafés »
Quelques minutes plus tard, Perrine rejoint son amie avec deux cafés.
« Je suis contente que tu sois venue, ça fait un petit moment que nous devions nous voir mais avec nos travailles respectifs ce n’est pas toujours facile. »
« Moi aussi ça me fait plaisir ! Tu es sûre que ça va ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette aujourd’hui ! »
« Euh oui… Enfin non…Mais c'est un peu délicat à expliquer !!! »
« Je le savais. Qu’est-ce qu’il y ne va pas ? »
« En fait, tu sais que je travaille plus depuis quelques temps et Daphnée doit aller à la cantine à la rentrée. Est-ce que tu penses que Debby accepterait de l’aider ? » dit-elle avec inquiétude.
« Je pense que oui mais posons-lui la question directement. »
Carole, se tournant vers les filles dans le jardin, demande à Debby de venir les rejoindre. Après avoir expliqué la situation et exposé sa demande à Debby, cette dernière acquiesce. Perrine est soulagée d’un poids et remercie chaleureusement Debby en la serrant dans ses bras et lui dit qu’elle peut retourner jouer.
