SIERRA
"Mademoiselle Sierra ! Mademoiselle Sierra ! Niez-vous les accusations portées contre vous ?" était l'une des nombreuses voix que j'entendais au milieu de la horde de journalistes se battant pour me mettre leurs micros en pleine face alors que je sortais du commissariat protégée par ma meilleure amie, Anna, et quelques autres policiers. Le bruit des flashs de leurs appareils photo, la chaleur soudaine qui m'étouffait, mon cœur qui me faisait mal, ma respiration irrégulière, tout venait à moi si vite sans pitié. Pour la première fois de ma vie, je souhaitais que le sol puisse m'engloutir. J'aurais dû savoir que porter un sweat à capuche rouge, un jean bleu, des baskets rouges avec une paire de lunettes noires et un masque de nez noir ne suffirait pas à me cacher. J'étais comme ces gens après tout, une collègue journaliste qui avait l'habitude de poser les questions mais aujourd'hui, j'étais celle à qui l'on posait les questions et je comprenais enfin ce que c'était d'être étiquetée criminelle alors que je savais que j'étais innocente.
"Mademoiselle Sierra ! Certaines sources prétendent avoir des preuves qui prouvent que vous êtes profondément impliquée dans la consommation de drogues illégales, pouvez-vous commenter ces allégations ?"
"Mademoiselle Sierra Banks, vous êtes connue comme l'une des meilleures journalistes du pays. Qui a toujours pris position clairement en faveur de la justice mais aujourd'hui n'avez-vous pas trahi la confiance de vos fans et du public en général ?"
"Le public est profondément préoccupé par l'impact de ces allégations sur votre carrière et votre réputation. Comment comptez-vous régler ce problème ?"
Je serrais les dents et sentais ma poitrine se contracter, mes mains faillirent se fermer en poing. Je ne savais pas par où commencer ou comment formuler les bons mots, mais mes lèvres bougèrent plus vite que mon cerveau.
"Je comprends les préoccupations du public mais je vous assure que je suis innocente. Je prends ces allégations très au sérieux et je déclare catégoriquement que je ne me suis jamais impliquée dans la consommation de drogues illégales et que je ne le ferai jamais."
"Mais les autorités ont publié un communiqué de presse indiquant qu'elles ont trouvé des traces de cocaïne dans votre sang. Dites-vous que c'est un mensonge ?"
"Bien qu'il puisse y avoir certaines preuves qui circulent, je les considère comme fausses. Je suis une citoyenne respectueuse des lois et j'ai l'intention de coopérer pleinement avec les autorités dans l'enquête en cours et de répondre correctement à ces allégations. J'ai sollicité des conseils juridiques et je crois que la vérité prévaudra."
"C'est suffisant, Sierra, on y va," Anna me tira par le bras et j'obéis.
"Mademoiselle Sierra ! Mademoiselle Sierra !" Ils continuaient à augmenter leur pression à chaque pas que je luttais pour prendre vers la camionnette noire qui avait stationné devant le bâtiment. Ce n'est qu'à mon entrée dans la camionnette que j'ai pu reprendre mon souffle correctement. Notre camionnette a démarré mais ces reporters me poursuivaient encore comme des chiens affamés.
J'enlevai avec frustration mes lunettes et mon masque, puis appuyai ma tête sur l'appuie-tête.
"Ça va, Sierra ?" Anna demanda calmement et je regardai la petite blonde assise à ma gauche.
"Comment veux-tu que je sois bien ?" Je rétorquai et elle soupira.
"Ce n'est que le début, Sierra," sa voix était presque un murmure. "Les autorités t'ont interdit de voyager et j'ai reçu un appel ce matin de ton patron qui t'a licenciée."
La douleur me tiraillait la poitrine, « Je n'ai même pas encore été déclarée coupable qu'ils m'ont déjà jetée aux loups. »
« L'indignation contre toi est féroce et la dernière chose que les nouvelles de TVN veulent, c'est d'être entraînées dans ce gâchis avec toi. »
« As-tu pu joindre Jonathan ? »
« Son téléphone est toujours éteint depuis qu'il a quitté le poste de police. »
« Ce salaud ! » Mes paumes se sont serrées en un poing.
« Je n'arrive pas à croire que ton copain ait pu te faire ça. J'y ai pensé plusieurs fois et je ne comprends toujours pas ce qu'il espérait gagner en te trahissant. »
Mes yeux tressaillirent, tentant de retenir les larmes qui étaient sur le point de me submerger, mais je n'ai pas réussi malgré tout. J'ai rapidement essuyé mes larmes et j'ai appuyé ma tête contre l'appuie-tête à nouveau. Dès que j'ai fermé les yeux, mon esprit s'est immédiatement égaré vers cette nuit, il y a deux jours. Je me souviens encore de chaque détail. Tout a commencé par mon accident. Jonathan m'avait appelée au bar pour prendre quelques verres mais je n'ai à peine touché à ma boisson avant de rentrer chez moi. En chemin, je me suis sentie étourdie et j'ai perdu le contrôle. Qui aurait cru qu'un accident qui avait été classé comme une conduite en état d'ivresse allait se transformer en un cas de consommation de drogue illégale ? Mais la question la plus préoccupante qui me tourmentait était pourquoi mon petit-ami avait décidé de mettre de la cocaïne dans mon verre et avait même fait une déclaration à la police selon laquelle je consommais toujours des drogues.
Plus j'y pensais, plus cela me brûlait de l'intérieur. Il avait commis un acte aussi atroce et avait soudainement disparu. Anna ne l'avait jamais aimé une seconde depuis que nous avions commencé à sortir ensemble il y a quatre mois et maintenant je réalisais que j'aurais dû simplement lui faire confiance. Grâce à lui, ma carrière et la réputation que je m'étais tant battue pour construire étaient en train de s'écrouler. Les médias allaient se régaler de mon affaire et je pouvais déjà imaginer certains de leurs titres.
'Sierra Banks, la tueuse de géants a été terrassée par le fléau de son cas de consommation de drogue illégale'
J'ai expiré profondément alors que je tremblais toute entière. J'étais l'une des journalistes d'investigation les plus en vue du pays, connue pour traquer les secrets honteux et les accords louches des grands de notre société. J'étais autrefois vénérée par les masses, mais maintenant, j'allais devenir le nouvel objet de honte.
« C'est un complot contre toi, Sierra, » murmura Anna, mais je refusai d'ouvrir les yeux malgré tout.
« Je le sais, mais je ne comprends toujours pas pourquoi Jonathan, de toutes les personnes, serait celui qui me ferait tomber. »
« Je pense que tu devrais t'inquiéter davantage du problème principal ici. Aucun des avocats les plus expérimentés que nous connaissons ne veut prendre ton affaire. Il semble que tout le monde est déterminé à te faire tomber. »
« Quoi ?! » Je la regardai avec stupeur alors qu'elle soupirait. « Il n'y a aucun avocat crédible qui veut défendre mon cas. »
« J'ai essayé mais... » sa voix s'éteignit.
"Sûrement qu'il doit y avoir quelqu'un, n'est-ce pas?!”
“J'ai parlé avec le PDG Justin du cabinet d'avocats JusticeGate–”
“Je connais JusticeGate,” je la coupe brusquement, espérant sincèrement que ce n'était pas ce à quoi je pensais.
“Il dit que la seule personne qui peut prendre votre affaire, c'est... l'Avocat Shin.”
Ma mâchoire tomba et mon cœur se mit à battre comme s'il voulait se libérer de ma poitrine. "Quoi?!” J’ai crié involontairement.
"Ecoute je sais, toi et l’Avocat Shin, vous ne vous entendez pas bien mais il est l'un des meilleurs tu sais. Il n'a jamais perdu une seule affaire, qu'elle soit grande ou petite. C'est le seul qui peut aider–”
"Jamais !” J'ai presque crié. "Shin et moi sommes des rivaux de longue date. Ce gars-là préférerait plutôt se manger le pied que de défendre mon affaire.”
"Tu es sérieux là ? Tout ce pour quoi tu as travaillé si dur est sur le point de s'effondrer et tu te fais du souci pour un rival qui a disparu depuis le lycée ?" Anna me défie et mes yeux tressaillent. "C'est le seul qui peut prendre ton affaire, tu n'as pas le choix. Justin a pris un rendez-vous pour toi avec lui, alors s'il te plaît, ne gâche pas tout.”
